Elena Veran - Du devoir d'une Pokémon Ranger.

Elena est née à la fin de l’année 1993, alors qu’Alexandre, son frère aîné, avait déjà deux ans. De part leur faible écart d’âge, tous deux nouèrent rapidement des liens très forts. Au fil des années, deux autres enfants rejoignirent leur fratrie. Alix tout d’abord, naquit en 1996, tandis qu’Eric arriva parmi eux en 1998. Une fratrie heureuse dans une famille heureuse. Voilà le souvenir qu’Elena garde de cette période. Un temps où ils n’avaient rien à craindre, rien du tout. Une enfance passée entourée de Pokémon en tous genre, ses parents étant tous deux Pokémon Ranger. Des Pokémons qui étaient des membres à part entière de leur famille, qu’il fallait chérir et protéger comme n’importe quelle autre membre de leur foyer. La seule ombre au tableau fut cette blessure que reçu son père, alors en mission. Une blessure invalidante au point de le forcer à prendre une retraite anticipée. Retraite qu’il passa auprès de ses enfants, prenant soin d’eux avec ses propres parents, lorsque leur mère devait quitter la maison pour ses propres missions. Une retraite qui poussa Elena a faire une promesse à son père. Un jour, elle prendrait sa place. Un jour, elle serait Ranger elle aussi. Si son père ne put que rire face aux propos d’une enfant aussi jeune qu’elle, lui ébouriffant les cheveux au passage, le choix d’Elena était fait. Elle serait Ranger, et ce Miaouss qu’elle venait de recevoir de ses parents pour ses dix ans serait son partenaire !

Elena se souvient de ce jour comme si c’était hier. Serrant son Miaouss dans ses bras, du haut de ses quinze ans, elle pleurait. Elle pleurait toutes les larmes de son corps, suppliant Alexandre de rester, comme leurs parents avaient pu le faire avant elle, comme Alix et Eric avaient aussi tenté de le faire. Mais elle, il devrait l’écouter ! Il l’avait toujours fait ! Il ne pouvait pas partir ! Pas pour combattre ! Il ne pouvait pas… Et pourtant, c’est souriant qu’il lui avait ébouriffé les cheveux avant de caresser la tête de son Miaouss, lui disant que tout irait bien. Lui disant qu’il serait bientôt de retour. Que tout redeviendrait comme avant. Qu’elle devait être forte et aider leur père dans les tâches qu’il ne pouvait pas effectuer seul, en l’absence de leur mère participant à l’effort de guerre elle aussi. Alors, les yeux embués de larmes, Elena avait accepté. Alexandre était partit. Chaque jour, elle guettait son retour ou une simple lettre. Juste ça. Elle ne demandait pas grand-chose… Juste une lettre… Peut-être pourrait-elle envoyer sa réponse avec ce Roucool qu’elle avait capturé l’an dernier ? Non… Alexandre ne voudrait pas d’une telle chose. Du haut de ses quinze ans, Elena avait conscience de ces rumeurs, de ces horreurs qui se passent sur le champ de bataille. Et elle restait là. A attendre. A s’occuper des siens. Son père ne pouvant le faire, la jeune fille s’était même occupée de capturer le premier Pokémon d’Eric, pour lui offrir à son dixième anniversaire. Un Racaillou. Eric avait toujours aimé les Racaillou. Elena avait même découvert un Sabelette blessé, qu’elle avait ramené avec elle. Du haut de ses quinze ans, elle avait désormais trois Pokémon sous son aile. Du haut de ses quinze ans, que ses rêves de Ranger peuvent lui sembler lointain…

Puis vint le pire. Pourtant, ce qu’il pouvait faire beau en ce jour. Elena s’en souvient encore comme si c’était hier. Son père en train de surveiller Alix pendant qu’elle faisait ses devoirs, Eric jouant avec son Racaillou. Et elle, prenant soin de ses propres Pokémons, ses fiertés. Un homme était venu et avait demandé à s’entretenir avec son père. Ce dernier avait accepté, lui demandant de s’occuper de sa sœur. Elena s’était exécutée. Puis, son père l’avait appelé, la voix cassée. Alors, la jeune fille avait compris. Quelque chose de grave s’était produit. Rien que la veille, leurs voisins avaient enterré leur plus jeune fils… Ils étaient venus les soutenir dans cette épreuve. Et à présent… Elena ne se souvenait plus réellement de l’annonce en elle-même. Une absence longue, douloureuse… Alexandre ne reviendrait plus. Plus jamais. Il s’était évaporé. De lui, il ne restait plus qu’une urne de cendres, quelques affaires et une Pokéball. Une Pokéball contenant son dernier Pokémon vivant. Un Evoli. Un Evoli qui lui revenait désormais. Un Evoli que la jeune fille soigna et aima de tout son cœur, malgré les larmes qui coulaient encore et toujours sur ses joues. Cet enfer sur terre leur prendrait donc tout ? Son frère, leurs Pokémons ? Absolument tout ?

Comment pouvait-elle croire à ces contes, désormais ? Comment pouvait-elle juste garder espoir ? Ces esprits dont sa mère lui parlait tant… Pourquoi son frère ne s’adressait-il pas à elle ? L’avait-elle déçue ? Dès lors, Elena se fit plus aigrie à l’égard de ces croyances. Car de son frère, il ne restait pas une âme, mais des cendres...

Cette guerre avait duré trois ans. A présent, la vie devait reprendre. Oublier toute cette violence, toute cette colère, toute cette douleur. Sentir l’étreinte de sa mère autour d’elle, pleurer de concert avec elle, voilà le premier souvenir d’Elena à cette période. Des murmures disant que tout redeviendrait comme avant. Si seulement, pensait Elena. Car à table, il y avait toujours une place vide désormais. Car dans leur jardin, il en manquait des Pokémons. Elena avait l’impression d’étouffer. Si elle avait fait en sorte de garder le sourire, de se montrer optimiste dans ce conflit, elle devait fuir à présent. Elle devait vivre. Tenant la promesse qu’elle avait faite à son père, la jeune fille devenue jeune femme quitta son foyer en compagnie de ses quatre Pokémons. Miaouss était désormais un Persian dont Elena ne pouvait qu’être fière. Roucool était devenu un Roucoups et la jeune femme avait bon espoir de le voir à nouveau évoluer un jour prochain. Seuls Sabelette et Evoli restaient fidèles à eux-mêmes. Elena devint donc un Pokémon Ranger, comme son père et sa mère avant elle. Après une guerre, des mains supplémentaires ne se refusaient pas. Alors, Elena proposa son aide à quiconque pouvait en avoir besoin, Humain comme Pokémon. Des années durant, sa vie se résumait à cela. Aider, toujours aider. Aider pour aider les autres. Aider pour s’aider soi-même.

Sabelette finit par évoluer en un solide Sablaireau tandis que Roucoups devenait un véloce Roucarnage. Ne restait plus qu’Evoli. Un fait qui ne pouvait qu’inquiéter Elena. Si elle avait pu proposer des pierres au petit Pokémon, ce dernier les avait à chaque fois refusées. Elle ne pouvait qu’attendre. Une attente qui cessa alors que la jeune femme s’en retournait dans sa ville natale, souhaitant se recueillir sur la tombe de son frère. Jamais la jeune femme ne comprit réellement ce qu’il s’était passé ce soir-là. Peut-être Evoli avait perçu son chagrin et souhaitant lui rendre le sourire ? Car ce soir-là, alors que la lune était au plus haut dans le ciel, il évolua en Noctali. Si Elena pleura, la tristesse avait quitté son cœur quelques instants, ses larmes de tristesse étant remplacées par des larmes de joie.

Tout cela n’aurait du être qu’une mission comme Elena en avait connu des centaines, si ce n’est des milliers. Un Pokémon à sauver comme Elena avait pu en sauver bien d’autres auparavant. La mission restait importante, bien évidemment. Mais la jeune femme n’était pas seule. Pas qu’elle le soit en temps normal. Comment pourrait-elle l’être en étant entourée de son Persian, son Roucarnage, son Sablaireau et son Noctali ? Non, la Pokémon Ranger était en toute autre compagnie. Un homme s’était joint à elle. Cela n’arrivait que rarement et… Elena ne parvenait pas elle-même à expliquer ce qu’il a bien pu se passer à cet instant. Son père lui avait souvent dit, par le passé, que de nombreux Pokémon Ranger travaillaient en groupe, ou au moins en équipe. Certains gardaient même contact alors même que le temps les forçaient à prendre leur retraite. Levyn Perkins. Un homme qui avait bien sept ans de plus qu’elle. Et pourtant. Et pourtant, ils décidèrent de continuer leur route ensemble, comme s’il n’y avait rien de plus naturel à ce fait. Au départ, cela n’aurait du être qu’un court voyage d’une ville à l’autre. Sans doute se mentaient-ils à eux-même. Car deux ans plus tard, devenus chacun l’ombre l’un de l’autre, ils étaient toujours ensemble. Une équipe. Voilà ce qu’il manquait à Elena et qu’elle venait de trouver.

Une équipe qui prit finalement ses quartiers à Lavanville pour un temps. D’étranges manifestations s’y produisaient, disait-on. Si Elena ne sait pas quoi penser de tout cela, fort était de constater qu’une enquête ne pouvait que s’imposer. C’était donc tout naturellement que les deux Pokémon Rangers restèrent là. Après tout, il doit bien exister une explication rationnelle à tout cela ? Non ?